les échecs

Si vous deviez enquêter sur le cerveau d’un expert en échecs, où regarderiez-vous en premier ? Dans cette zone située au bas du cerveau, appelée aire fusiforme des visages (ou FFA pour Face Fusiform Area), considérée comme capitale pour la reconnaissance faciale par opposition à la reconnaissance d’objets ?

Cela ne ressemble pas vraiment à une région que l’on solliciterait dans le jeu d’échecs qui se base sur l’anticipation, la stratégie et le mouvement. Et pourtant, dans un récent article du Journal of Neuroscience, plusieurs chercheurs ont utilisé l’IRM pour surveiller l’activité de la FFA alors que des sujets, experts ou joueurs d’échecs occasionnels, visualisaient et interprétaient la position des pièces sur un échiquier.

L’échiquier déclenche une réaction semblable à celle d’un « visage que l’on reconnaît »

Décidément, le jeu des échecs a tout bon et coche toutes les bonnes cases lorsqu’il s’agit de challenger nos neurones et mettre notre cerveau au défi. Chez tous les sujets qui ont pris part à l’étude publiée dans le Journal of Neuroscience, l’aire fusiforme des visages (FFA) était activée dans une plus large mesure lorsqu’ils regardaient des visages que lorsqu’ils se concentraient sur un échiquier. Aucune différence n’a été constatée entre les experts et les joueurs d’échecs occasionnels. Ces résultats sont cohérents avec les recherches précédentes et avec le rôle « attitré » de la FFA dans la reconnaissance faciale.

Cependant, lors de l’observation de stimuli d’échecs (des coups, des attaques, des mouvements), la FFA a été activée davantage chez les experts que chez les joueurs occasionnels. Le simple fait de regarder un échiquier avec les pièces en position de départ a entraîné une plus grande activation de la FFA chez les experts. Cette différence d’activation s’est encore accentuée lorsqu’il a été demandé aux deux groupes d’analyser la position des pièces d’échecs situées sur différentes cases de l’échiquier selon plusieurs configurations de jeu.  En somme, l’échiquier et les pièces d’échecs déclenchent une réaction semblable à celle d’un « visage que l’on reconnaît ».

Curieux. Pourquoi une zone du cerveau à priori consacrée à la reconnaissance des visages serait-elle activée chez les joueurs invétérés qui scrutent un échiquier et des pièces ?

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L’échiquier pour améliorer son traitement spatial holistique

Pour reconnaître un visage, nous devons voir plus que les yeux, le nez et la bouche. Nous devons analyser les relations spatiales particulières entre l’ensemble de ces éléments. De même, la compréhension des relations spatiales entre les pièces du jeu est cruciale pour gagner aux échecs. La FFA peut être particulièrement douée pour reconnaître les modèles spatiaux globaux. Par un mécanisme inné que nous ne maîtrisons pas encore totalement, la FFA devient peu à peu une aire de reconnaissance des visages au fur et à mesure du développement de l’enfant. Ce rôle peut être renforcé par notre expérience de toute une vie dans la visualisation des visages et l’importance de la reconnaissance faciale dans la vie de tous les jours. Toutefois, si une autre « demande » émerge au niveau du cerveau, nécessitant par exemple un traitement spatial holistique spécialisé, les circuits de la FFA peuvent également être perfectionnés pour cette compétence.

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L’analogie avec la musculation est intéressante : nos muscles ne se développent en volume que lorsqu’ils sont sollicités pour soulever des poids élevés. En somme, nous créons un besoin pour que notre corps s’y adapte. Ainsi, la FFA est « recrutée » pour un traitement spatial holistique spécialisé par les joueurs les plus expérimentés.

Notre cerveau est très adaptable et particulièrement opportuniste, dans un sens positif. Si certaines régions peuvent être innées, d’autres arrivent à leur stade définitif de développement dès le plus jeune âge pour des fonctions et des compétences spécifiques. Toutefois, des demandes nouvelles et des besoins « imprévus » peuvent induire des changements au niveau du cerveau pour réadapter une zone particulière ou encore connecter deux zones pour développer de nouvelles aptitudes et compétences. En somme, acheter un echiquier, c’est faire un pas vers une meilleure compréhension spatiale du monde qui nous entoure !